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Charlotte Sometimes

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Bertrand Piccard, psychiatre spécialiste de l’hypnose, interviewé sur France Info par Olivier De Lagarde dans l’émission Un Monde d’Idées

Publié le 30 Janvier 2015 par Cha* in Crise, Chaos, Espoir

Bertrand Piccard, psychiatre spécialiste de l’hypnose, interviewé sur France Info par Olivier De Lagarde dans l’émission Un Monde d’Idées

Ne pas prendre de risques dans la vie, c’est ce qui est le plus dangereux, et je n’aime pas le danger.

En fait les gens qui ne prennent pas de risques sont des gens qui restent dans leurs habitudes, dans leurs certitudes, dans leurs convictions, dans leurs croyances. Et comme la vie n’est pas stable, n’est pas prédictible, dès que les conditions extérieures changent, ces gens là sont complètement perdus et n’ont plus d’autres armes à disposition pour pouvoir trouver leur chemin.

Donc la chose la plus importante dans la vie c’est d’apprendre à risquer de sortir de sa zone de confort, de se remettre en question, de développer d’autres manières de fonctionner pour toujours prêt à l’imprédictibilité de la vie.

L’inconnu n’est pas un risque. L’inconnu c’est une extraordinaire stimulation pour notre créativité. C’est les doutes et les points d’interrogation qui nous rendent créatifs. Les certitudes nous endorment.

Quand on est un enfant qui apprend à marcher, on n’apprendra à avancer en marchant que si on accepte de tomber les premières fois. Et puis ensuite on réalise que pour courir on doit être en déséquilibre constant d’une jambe sur l’autre, c’est ça qui fait la course.

Si on veut survivre et s’épanouir et devenir performant dans la vie, on doit accepter le déséquilibre permanent parce que ça nous apprend à gérer toutes les choses inattendues qui nous arrivent.

Il faut développer sa conscience de soi, de ses ressources intérieures. Il faut apprendre de nouvelles compétences, de nouveaux outils pour toujours évoluer et je pense qu’on ne peut évoluer que si on est conscient du fait qu’on a un chemin de vie, qu’on vient de quelque part, qu’on va quelque part et que le but est de se développer et d’apprendre.

Mais évidemment ce qui nous inhibe énormément dans notre monde est notre peur constante de l’échec. On nous dit « il ne faut pas rater ». Alors évidemment, comme les gens n’osent pas rater, ils n’osent pas essayer. Rater n’est jamais agréable. Mais quand on essaye une fois de plus que le nombre d’échecs, et bien à ce moment là on peut se mettre à réussir. Il faut se rappeler une chose quand on rate, c’est qu’il ne faut pas rater deux fois pour la même raison. Ca c’est important. C’est-à-dire qu’il faut fonctionner comme des guêpes et pas comme des abeilles : une abeille qui veut sortir d’une pièce avec plusieurs fenêtres dont une seule est ouverte va aller tout droit sur la première fenêtre, qui sera surement fermée, et va se battre pendant des heures contre cette fenêtre fermée jusqu’à ce qu’elle meure La guêpe, elle, essaye toutes les vitres, toutes les fenêtres, jusqu’à ce qu’elle trouve celle qui est ouverte et arrive à sortir.

Dans la vie il faut fonctionner comme des guêpes. C’est-à-dire qu’il faut toujours fonctionner autrement que l’essai précédent.

Il ne faut pas être un trompe la mort. Il faut choisir ce qu’on est d’accord de risquer. […] Pour certaines personnes le risque va être de changer de boulot quand ils ont un boulot qu’ils détestent. Ca va être de mettre leur enfant dans une université et de travailler pour que ça marche ou bien de déménager ou bien d’apprendre une autre langue. Et puis il y a des gens pour qui le risque est d’entrer en politique.

Il faut bien voir que quelle que soit l’ambition qu’on a, il faut se donner les moyens de l’atteindre. C’est-à-dire qu’en fait il faut augmenter ses ressources intérieures pour être plus performant, plus épanoui, plus conscient de soi-même, plus efficace et ça c’est un chemin qui nous permet d’avancer.

Il y a des moments où il ne faut pas persévérer dans les mêmes risques. Mais il faut voir que sa vie entière est une aventure dans laquelle il y a un certain nombre de risques à prendre si on veut avancer. Et le plus grand risque qu’on a c’est celui de changer ses certitudes.

Les premiers avions, au XX° siècle, ont été construits avec du bois et de la toile, c’est-à-dire que les Egyptiens auraient très bien pu construire les premiers avions et voler. Mais ils ne l’ont pas fait parce que la mythologie leur faisait penser qu’il n’y avait que les Dieux qui avaient le droit de voler. On voit que c’est exactement la même chose chez les Népalais et les Tibétains face à l’Everest : ils ne sont jamais montés au sommet parce que c’était une montagne sacrée et ils ne voulaient pas déranger les Dieux. Et ce sont finalement des étrangers qui sont montés à l’Everest. Et tout à coup au XX° siècle des gens ont lancé par dessus bord le lest de cette mythologie pour dire « mais nous on veut aussi voler ! ». Et ils ont réussi à voler. Et en 66 ans vous avez eu le premier avion, le Pôle Nord, le Pôle Sud, la traversée de l’Atlantique, la fosse des Mariannes, l’Everest, la Lune.

Pas seulement à cause de la technologie, mais parce que des êtres humains se sont dit « on veut s’affranchir de vieilles habitudes ». Ce qui montre bien que l’innovation n’est pas une idée nouvelle. L’innovation c’est une vieille certitude qu’on passe par dessus bord.

Je pense que c’est l’extérieur du système qui va nous remettre en question et qui va nous donner des possibilités d’évoluer ! C’est pour ça qu’on a besoin des autres. Tant qu’on est tout seul on est sur d’avoir raison ! L’intérêt dans la vie c’est de se retrouver en face de gens qui pensent autrement et qui agissent autrement et dont l’expérience peut nous enrichir de nouvelles compétences. Ce n’est pas les constructeurs automobiles qui ont construit la meilleure voiture électrique : la Tesla été faite par un milliardaire américain qui n’avait aucune idée de comment construire une voiture, mais il a réussi à faire une voiture électrique complètement révolutionnaire ! […]

Si c’était facile et que l’éducation nous y prédisposait, je n’aurais jamais du écrire un livre comme celui que j’ai écrit, ça serait complètement banal et évident, j’aurais du écrire autre chose. Mais aujourd’hui je crois qu’on a énormément besoin d’apprendre, que notre conditionnement, nos automatismes, nos certitudes nous empêchent d’évoluer. Et que l’exercice quotidien le plus intéressant c’est d’être assez honnête pour observer sur quelles certitudes et convictions et croyances sont basés nos comportements pour pouvoir essayer quelque chose de différent. Et ce « différent », cette autre manière qu’on va essayer, va nous apprendre énormément de nouveaux outils et de nouvelles compétences pour évoluer et fonctionner mieux dans notre vie.

Essayez un petit exemple : parlez avec quelqu’un qui a une opinion politique totalement différente. Au lieu de l’interrompre tout de suite pour le convaincre, essayez de le laisser exprimer son point de vue. Ou bien qu’on vous pose une question et que vous êtes sûr qu’il faut répondre non, essayez de vous dire « et si je réponds oui, qu’est ce que ça changerait ? » Parce que peut-être que ça me permettrait de découvrir quelque chose de nouveau, une autre manière de penser, une autre manière de fonctionner. Ou peut-être me rapprocher d’autres personnes pour apprendre quelque chose d’autre. Ça ce sont des exercices quotidiens qui sont absolument passionnants.

Si les politiques commençaient à utiliser ces techniques là, je pense qu’ils arriveraient à gouverner beaucoup mieux. Mais la première chose qui paralyse la politique aujourd’hui c’est le clivage entre la gauche et la droite, où, autant à gauche qu’à droite il y a certaines bonnes idées et certaines mauvaises idées. Et le simple fait d’être élu fait qu’il faut démolir les idées de l’autre même si elles sont bonnes. Alors, si on prend un exemple concret : pourquoi est-ce qu’on est obligé de voter à gauche si on veut protéger l’environnement ? Et pourquoi est-ce qu’on est obligé de voter à droite si on veut promouvoir la liberté d’entreprendre pour créer des emplois ? Mais les deux sont importants.

Donc si on veut fonctionner correctement, on doit abolir cette idée qu’on est le seul à avoir raison et que l’autre a toujours tort. Si on veut se développer, c’est l’autre qui va nous amener la manière de faire en nous remettant en question de nos habitudes.

La crise c’est ce qui nous force à évoluer. Nous acquérons un certain nombre de connaissances et d’habitudes qui nous amènent jusque là où nous sommes. La vie n’étant jamais quelque chose de très stable et très prédictible, on va forcément se retrouver dans des situations nouvelles. Ces situations nouvelles nous déstabilisent.

Alors on a deux manières de faire : ou bien on lutte contre la situation nouvelle, on essaie de se rattacher au passé et on va souffrir énormément parce qu’on n’arrivera pas à changer le passé et le passé est ce qu’il est. La seule chose qu’on peut changer c’est soi-même. C’est-à-dire qu’ont peut saisir l’occasion que nous donne la crise pour analyser vraiment de manière très constructive quel nouvel outil, nouvelle compétence, nouvelle ressource, nouvelle performance on doit développer, préparer, construire de manière à être mieux après qu’avant. Ce qui veut dire qu’à chaque crise on est dans un état optimiste de constructivité où on se dit : « j’ai quelque chose de nouveau à apprendre, nouveau à construire, je ne sais pas quoi encore, il faut que je le découvre ». Donc on devient l’explorateur et l’aventurier de sa vie à chaque moment de crise pour être meilleur après qu’avant.

On est absolument pas tous capables de le faire, il y a peu de gens qui ont appris à le faire et je pense que c’est pour ça qu’il faut développer cette compétence !

La crise n’est pas la souffrance. La souffrance c’est le fait de refuser la crise, la situation qui est irrémédiable. A partir du moment où on accepte qu’on ne peut plus changer ça, et bien on traverse la souffrance pour arriver dans le moment où on arrive à construire la solution. Et plutôt que de toujours regarder en arrière, en voyant ce qu’on a perdu, on peut voir la nouvelle compétence qu’on peut gagner.

La résignation n’est pas la même chose que l’acceptation. La résignation c’est quand on se dit « je ne pourrais plus jamais faire quoi que ce soit qui me rendra heureux donc j’accepte tout ce qui va mal ». L’acceptation c’est se dire « je ne peux pas changer ce qu’il est impossible de changer, par contre je peux me changer moi-même et évoluer ».

Même pour les pays c’est comme ça. Par exemple, les Suisses à l’époque de la protection douanière fabriquaient du vin qui était invendable à l’étranger parce qu’il n’y avait même pas d’AOC. Quand les frontières se sont ouvertes et que les vins étrangers sont arrivés, les vignerons ont d’abord crié à la crise totale et à la ruine de leur métier. Jusqu’au moment où ils ont fabriqué des AOC, qu’ils ont fait des vins excellents et qu’ils ont commencé à les exporter. C’est la crise qui les a rendus meilleurs.

Aujourd’hui c’est mal vu de souffrir, mal vu d’être déprimé, mal vu de ne pas être beau, mal vu de ne pas être riche, parce que finalement on enlève l’authenticité de l’être humain. Et ce qui est fondamental c’est d’accepter sa souffrance pour pouvoir la traverser. Mais ce qu’il manque encore plus dans notre société c’est de pouvoir le vivre en groupe, en famille, dans une collectivité. C’est de pouvoir partager ce besoin de construire quelque chose de meilleur.

L’individualisation quand ça permet de dire aux gens « vous êtes responsables de vous même » c’est bien. Mais c’est une catastrophe quand ça laisse les gens dans leur crise, sans les aider à résoudre leur crise. Alors ce ne sont pas simplement les indemnités de chômage qu’il faut donner, c’est mieux que ça ! Ce qu’il faut c’est montrer aux gens ce qu’ils doivent développer comme nouvelles compétences et nouveaux apprentissages pour pouvoir retrouver un travail meilleur que celui qu’ils ont perdu ! Et ça c’est un état d’esprit. L’état d’esprit, il faut l’avoir soi-même comme individu, ça doit être dans une famille, ça peut être dans un groupe d’amis, il faut des buts communs d’évolution et au niveau des pays, en Europe c’est vrai que ça manque énormément.

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